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mardi 12 avril 2011

RAMANA MAHARSHI TOUT LE MONDE EST DÉJÀ RÉALISÉ

Question : Il existe de nombreux instructeurs spirituels qui enseignent des voies diverses. Lequel devrions-nous prendre pour Guru
Ramana : Choisissez celui auprès duquel vous trouvez shanti [la paix].
Question : Ne devrions-nous pas prendre aussi son enseignement en considération ?
Ramana : Celui qui conseille à un chercheur fervent de faire ceci ou cela n'est pas un vrai maître. Le chercheur est déjà affligé par ses activités et il désire la paix et le repos. En d'autres termes, il souhaite la cessation de ses activités. Si un enseignant lui dit de faire quelque chose en plus de ses autres activités, ou à leur place, ceci peut-il lui être une aide ? L'activité est création. L'activité est destruction de notre bonheur intrinsèque. Si l'activité est indiquée, celui qui la prescrit n'est pas un Maître, mais un tueur. De telles circonstances nous mènent à dire que soit le créateur [Brahma], soit la mort [Yama] se sont présentés sous l'apparence d'un Maître. Une telle personne ne peut pas libérer l'aspirant, elle ne peut que renforcer ce qui l'entrave.

Question : L'enseignement de Bhagavan [nom qu'utilisent les disciples de Ramana Maharshi pour le désigner et qui signifie : béni, saint ou seigneur] est-il le même que celui de Shankara ?

Ramana : L'enseignement de Bhagavan est l'expression de son expérience et de sa réalisation propres. D'autres estiment que celles-ci s'accordent avec ce qu'a vécu Sri Shankara .

Question : Quand les Upanishads affirment que tout est Brahman [la réalité absolue impersonnelle], comment peut-on accepter avec Shankara que ce monde soit illusoire ?




Ramana : Shankara disait aussi que ce monde est Brahman, ou Soi. Ce qu'il n'admettait pas, c'est qu'on s'imagine que le Soi est limité par les noms et les formes qui constituent le monde. Il affirmait seulement que le monde n'a aucune réalité en dehors de Brahman. Brahman, ou le Soi, ressemble à un écran de cinéma et, le monde, aux images projetées dessus. Vous ne pouvez voir l'image que tant qu'il y a un écran. Mais, quand le spectateur lui-même devient l'écran, seul demeure le Soi.

On a critiqué Shankara pour sa philosophie de la Maya [l'illusion], sans comprendre ce qu'il entendait au juste. Il affirmait trois choses : Brahman est réel, l'univers est irréel, et Brahman est l'univers. Il ne s'est pas arrêté sur le deuxième principe. Le troisième explique les deux premiers ; cela signifie que lorsque l'univers est perçu en dehors de Brahman, cette perception est fausse et illusoire. Ce qui revient à dire que les phénomènes sont réels quand on les vit en tant que Soi, et illusoires quand on se les figure en dehors du Soi.

Seul le Soi existe et est réel. Le monde, l'individu et Dieu sont comme l'apparence illusoire de l'argent dans la nacre, des créations imaginaires au sein du Soi. Ils apparaissent et disparaissent simultanément. En fait, seul le Soi est le monde, le " je " , et Dieu. Tout ce qui existe n'est qu'une manifestation du Suprême .

Question : Qu'est-ce que la réalité ?

Ramana : La réalité doit toujours être réelle. Dénuée de noms et de formes, elle est ce qui sous-tend noms et formes. Etant elle-même sans limites, elle se trouve à la base de toutes les limitations. Elle n'est assujettie en aucune façon. Etant elle-même Réelle, elle sous-tend les irréalités. Elle est cela qui est. Elle est comme elle est. Elle transcende la parole et échappe à la description, comme l'être ou le non-être.

Question : Les bouddhistes nient le monde tandis que la philosophie hindoue admet son existence tout en le jugeant irréel, n'est-ce pas ?

Ramana : Ce n'est qu'une différence de point de vue.

Question : Ils déclarent que le monde est créé par l'Energie Divine [Shakti]. La connaissance de l'irréalité vient-elle du voile de l'illusion [Maya] ?

Ramana : Tous admettent la création par l'Energie Divine ; mais quelle est la nature de cette énergie ? Elle est forcément en consonance avec la nature de sa création.

Question : Y a-t-il des degrés dans l'illusion ?

Ramana : L'illusion elle-même est illusoire. Elle doit être considérée par un observateur situé en dehors d'elle, mais comment un tel observateur peut-il être affecté par l'illusion ? Et, dans ce cas, comment peut-il parler de ses degrés ?

Vous voyez diverses scènes passer sur un écran de cinéma : un incendie semble réduire des bâtiments en cendres ; l'eau d'une tempête paraît provoquer le naufrage de navires ; mais l'écran sur lequel ces images sont projetées demeure intact : ni le feu ni l'eau ne l'ont atteint. Pourquoi ? Parce que les images sont irréelles et que l'écran, lui, est bien réel.

Semblablement, le nombre et la qualité des reflets qu'il renvoie n'affectent nullement le miroir.

De la même façon, le monde est un phénomène sur le substrat de l'unique Réalité qui n'en est aucunement touchée. La Réalité est seulement Une.

Parler ou non d'illusion dépend seulement du point de vue que l'on adopte. Modifiez votre point de vue pour celui de la Connaissance et vous vous apercevrez que l'Univers n'est que Brahman. Etant donné que vous êtes à présent plongés dans le monde, vous le voyez comme un monde réel ; placez-vous au-delà, il disparaîtra, et ne demeurera alors que la Réalité.

Le monde est perçu comme réalité objective apparente quand l'esprit s'extériorise et abandonne du même coup son identité avec le Soi. Quand le monde est perçu ainsi, la véritable nature du Soi n'est pas révélée ; inversement, quand le Soi est réalisé, le monde cesse d'apparaître en tant que réalité objective.

C'est l'illusion qui nous fait prendre ce qui est toujours présent en toute chose, dans une plénitude de perfection éclairée de son propre jour – c'est-à-dire le Soi et le noyau de l'Etre –, comme non existant et irréel. Et, vice versa, c'est l'illusion qui fait prendre pour réel et doué de sa propre existence ce qui est non existant et irréel, à savoir la triade : monde, ego et Dieu.

Pour ceux qui n'ont pas réalisé le Soi comme pour ceux qui l'ont réalisé, le monde est réel. Mais, pour les premiers, la Vérité revêt la forme du monde, tandis que, pour les seconds, la Vérité brille en tant que Substrat et Perfection sans forme du monde. Voilà tout ce qui les différencie.

Les noms et les formes qui constituent le monde changent sans cesse et périssent ; c'est pourquoi on les dit irréels. Il est irréel [imaginaire] de réduire le Soi à ces noms et à ces formes, et réel de tout considérer en tant que Soi. Le non-dualiste affirme que le monde est irréel, mais il dit aussi : " Tout ceci est Brahman. " Il est donc clair que ce qu'il condamne, c'est de considérer que le monde a une réalité objective propre, et non qu'il est Brahman. Qui voit le Soi ne voit aussi que le Soi dans le monde. Que le monde apparaisse ou non est sans importance pour celui qui a connu l'Illumination. Dans un cas comme dans l'autre, son attention est tournée vers le Soi. C'est comme les lettres et le papier sur lequel elles sont imprimées. Vous êtes tellement pris par les lettres que vous en oubliez le papier, mais l'Eclairé voit que le papier est bien le substrat, que les lettres apparaissent ou non dessus.

Les Védantins n'affirment pas que le monde est irréel. Il s'agit d'une erreur d'interprétation. Si tel était le cas, que signifierait l'affirmation védantique : " Tout ceci est Brahman " ? Ils veulent dire simplement que le monde est irréel en tant que monde, mais réel en tant que Soi. Si vous considérez le monde comme non-soi, il n'est pas réel. Tout, que vous l'appeliez Illusion [Maya], Jeu divin [Lila] ou Energie [Shakti], doit être au sein du Soi et non en dehors.

Question : Les Védas contiennent des explications cosmogoniques contradictoires. A un endroit il est dit que l'éther fut créé en premier, dans un deuxième, c'est l'énergie vitale, l'eau dans un troisième, et quelque chose d'autre ailleurs ; comment peut-on concilier tout ça ? La crédibilité des Védas ne s'en trouve-t-elle pas diminuée ?

Ramana : Des voyants différents ont vu des aspects différents de la vérité à des époques différentes, et chacun a mis l'accent sur un point de vue particulier. Pourquoi vous inquiéter devant leurs affirmations contradictoires ? Le but essentiel des Védas est de nous enseigner la nature de l'impérissable Soi et de nous montrer que nous sommes Cela.

Question : J'en conviens parfaitement.

Ramana : Alors, considérez tout le reste comme des arguments secondaires ou des explications destinées aux ignorants qui veulent connaître l'origine des choses.

Le Vedanta dit que le cosmos surgit d'un coup en même temps que celui qui le voit sans aucun processus de création progressif. Il est semblable à un rêve où le rêveur et son rêve apparaissent simultanément. Toutefois, certains sont si attachés à la connaissance objective que ce genre d'explication ne les satisfait pas. Ils veulent savoir comment une création soudaine est possible et soutiennent qu'un effet doit être précédé d'une cause. En fait, ils désirent une explication du monde qu'ils voient autour d'eux. Les Ecritures tâchent donc de satisfaire leur curiosité avec des théories de ce genre. Cette approche du sujet porte le nom de théorie de la création graduelle, mais le vrai chercheur spirituel peut se satisfaire de la création instantanée.

Question : On dit que Bouddha ne s'est pas intéressé aux questions relatives à Dieu.

Ramana : Oui, et c'est la raison pour laquelle on a affirmé qu'il était agnostique. En fait, Bouddha s'efforçait d'aider le chercheur à connaître la Félicité ici et maintenant ; les discussions académiques à propos de Dieu et les activités de ce genre ne l'intéressaient pas.

Question : L'étude des sciences, de la psychologie, de la physiologie, etc., constitue-t-elle une aide pour accéder à la délivrance par le yoga, ou à la compréhension intuitive de l'unité de la Réalité ?

Ramana : Bien peu. Une connaissance théorique est nécessaire pour le yoga et on peut la trouver dans des livres, mais c'est l'application pratique qui compte. Les modèles vivants et l'instruction par l'exemple représentent les aides les plus efficaces. Quant à la compréhension intuitive, quelqu'un peut laborieusement, peut-être, se convaincre de la vérité à saisir au moyen de l'intuition, se faire une vague idée de la fonction et de la nature de cette vérité, mais la véritable intuition relève davantage du ressenti et nécessite un contact pratique et personnel. La seule étude par les livres n'est pas d'un grand secours. Après la Réalisation, tous les bagages intellectuels sont des fardeaux inutiles qu'il faut jeter par-dessus bord.

Que vaut le savoir de ceux qui ne cherchent pas à effacer les lettres de la destinée [de leurs fronts] en se demandant :  " D'où vient notre naissance, nous qui connaissons les lettres ? " Ils sont tombés bien bas, au niveau d'un gramophone. Que sont-ils d'autre, ô Arunachala ?

C'est ceux qui ne sont pas instruits qui sont sauvés, plutôt que ceux dont l'ego n'a pas encore abdiqué, en dépit de leur savoir. Les ignorants sont sauvés des griffes implacables du démon de la suffisance ; ils ne souffrent pas de la maladie des nuées de pensées et de mots qui tourbillonnent sans répit ; leur est aussi épargnée la course aux richesses. Innombrables sont les maux auxquels ils échappent.

C'est l'illusion née de l'ignorance qui rend les hommes aveugles à ce qui est toujours et pour tous la Réalité inhérente sise en leur centre naturel du cœur, et les empêche d'y demeurer ; et, au lieu de s'y établir, ils discutent pour savoir si la Réalité existe ou pas, si elle possède forme ou non, ou si elle est non duelle ou duelle .

Une chose, quelle qu'elle soit, peut-elle apparaître en dehors de ce qui est éternel et parfait ? Ce genre de débats n'en finit pas. Fuyez-les. Retournez plutôt votre mental au-dedans et mettez un terme à tout ça. Les discussions ne sauraient aboutir.

Les Ecritures servent à signaler l'existence de la Puissance Supérieure, ou Soi, et à indiquer le chemin qui y mène. Telle est leur fonction essentielle. A part ça, elles ne servent à rien. Toutefois, elles sont volumineuses, afin de pouvoir s'adapter au niveau d'évolution de chaque chercheur. Au fur et à mesure qu'un homme s'élève, il s'aperçoit que les paliers déjà gravis ne sont que des marches menant à des degrés supérieurs, jusqu'à ce qu'enfin le but soit atteint. Quand c'est le cas, le but seul demeure et tout le reste, y compris les Ecritures, devient inutile.

Le labyrinthe compliqué de la philosophie des diverses écoles est censé clarifier les choses et révéler la Vérité, mais, en fait, il crée la confusion là où il n'en est pas besoin. Pour comprendre quoi que ce soit, il doit y avoir le Soi. Le Soi est évident, pourquoi donc ne pas demeurer en tant que Soi ? A quoi bon expliquer le non-soi ?

J'ai eu vraiment de la chance de ne l'avoir jamais pratiquée [la philosophie]. Si je m'y étais adonné, je ne me trouverais probablement nulle part, mais mes tendances naturelles me conduisirent à me demander directement : " Qui suis-je ? " Quelle chance j'ai eue !

Question : Bhagavan dit souvent : " Le monde n'est pas en dehors de vous ", ou : " Tout dépend de vous ", ou encore : " Qu'existe-t-il en dehors de vous ? " Je trouve tout cela incompréhensible. Le monde existait avant que je naisse et continuera d'exister après ma mort, comme il a survécu à la mort de tant d'êtres qui ont vécu avant moi.

Ramana : Ai-je jamais dit que le monde existe à cause de vous ? Je vous ai seulement posé la question : " Qu'existe-t-il en dehors de vous ? " Vous devriez comprendre que par le Soi on n'entend ni le corps physique ni le corps subtil.

On vous dit que si vous parvenez à connaître le Soi au sein duquel existent toutes les idées – y compris l'idée de vous-même, d'autres comme vous, et celle du monde – vous pouvez réaliser la vérité qu'il y a une Réalité, une Suprême Vérité qui est le Soi de tout le monde que vous voyez à présent, le Soi de toutes les personnalités, l'unique Réel, le Suprême, le Soi éternel, distinct de l'ego ou individu, lequel est impermanent. Il ne faut pas confondre l'ego, ou l'idée corporelle, avec le Soi.

Question : Alors Bhagavan veut dire que le Soi est Dieu ?

Ramana : Vous voyez la difficulté. La recherche de Soi-même – " Qui suis-je ? " – est une technique qui diffère de la méditation – " Je suis Shiva ", ou " Je suis Lui ". J'insiste plutôt sur la Connaissance de Soi, car vous vous préoccupez d'abord de vous-même avant d'entreprendre la découverte du monde ou de son Seigneur. La méditation " Je suis Lui " ou " Je suis Brahman " est plus ou moins mentale, mais la quête du Soi dont je parle constitue une méthode directe qui lui est supérieure. Car, dès que vous vous mettez en quête du Soi et commencez à pénétrer en profondeur, le Soi réel est là qui attend de vous recevoir et, alors, ce qui doit être fait est accompli par quelque chose d'autre et vous, en tant qu'individu, vous ne vous occupez de rien. Au cours de ce processus, tous les doutes et les débats cessent d'eux-même, ainsi qu'un dormeur oublie tous ses soucis pendant son sommeil.

Question : Quelle certitude y a-t-il que quelque chose attende là de me recevoir ?

Ramana : Quand quelqu'un est suffisamment mûr, il devient naturellement convaincu.

Question : Que faut-il faire pour atteindre cette maturité ?

Ramana : On préconise plusieurs façons d'y parvenir. Mais, quel que soit l'avancement de la personne, une sincère Recherche de Soi-Même accélère les choses.

Question : C'est un raisonnement qui tourne en rond. Je suis suffisamment fort pour la quête si je possède la maturité requise, et c'est la quête qui me donne cette maturité.

Ramana : Le mental connaît effectivement ce genre de difficulté. Il veut une théorie bien établie afin de s'en satisfaire. Cependant, en vérité, aucune théorie n'est nécessaire à l'homme qui s'efforce sérieusement de s'approcher de Dieu ou de son authentique Soi.

Tout le monde est le Soi et, de fait, infini. Pourtant, chacun confond le corps avec le Soi. Afin de connaître quoi que ce soit, l'illumination est nécessaire. Elle ne peut être que de la nature de la Lumière qui éclaire à la fois la lumière physique et l'obscurité physique. C'est-à-dire qu'elle se situe au-delà de la lumière et des ténèbres apparentes. Elle-même n'est ni l'une ni l'autre, mais on la dit lumière parce qu'elle illumine les deux. Elle est infinie et elle est conscience. La Conscience est le Soi dont nous sommes tous conscients. Nul n'est jamais éloigné du Soi et, par conséquent, tout le monde est déjà réalisé ; simplement – et voici le grand mystère – les gens l'ignorent et veulent réaliser le Soi. La réalisation consiste simplement à se débarrasser de l'idée erronée que l'on n'est pas réalisé. Elle n'est pas quelque chose de nouveau à acquérir. Il doit déjà exister, sinon il ne serait pas éternel ; et uniquement ce qui est éternel mérite tous nos efforts.

Une fois éradiquée la fausse notion " Je suis le corps " ou " Je ne suis pas réalisé ", seule demeure la Suprême Conscience ou Soi et, dans l'état actuel de connaissance, les gens appellent cela " Réalisation ". Mais, en vérité, la Réalisation est éternelle et existe déjà, ici et maintenant.

La Conscience est pure connaissance. C'est d'Elle que naît le mental, lequel est constitué de pensées.

L'essence du mental est pure conscience ou éveil. Toutefois, quand l'ego l'assombrit de nuages, elle fonctionne comme raisonnement, pensée, ou perception. N'étant pas limité par l'ego, le mental universel n'a rien en dehors de lui-même et, par conséquent, il n'est que conscient. C'est ce que la Bible veut dire par " Je suis le Je suis ".

Le mental tourmenté par l'ego voit sa force sapée et il est trop faible pour résister à des pensées pénibles. Le mental dénué d'ego est heureux, comme nous le voyons dans le sommeil profond sans rêves. Il est donc clair que bonheur et douleur ne sont que des modes du mental.

Question : Quand je recherche le " Je ", je ne vois rien.

Ramana : Vous dites ça parce que vous avez l'habitude de vous identifier au corps et d'assimiler la vue aux yeux, mais qu'y a-t-il à voir ? Et par qui ? Et comment ? Il n'y a qu'une Conscience unique qui, lorsqu'elle s'identifie au corps, se projette par les yeux et voit les objets alentour. L'individu est limité à l'état de veille ; il s'attend à voir quelque chose de différent et accepte l'autorité de ses sens. Il ne veut pas admettre que celui qui voit, les objets vus, et l'acte de voir sont autant de manifestations de la même Conscience – le " Je-Je ". La méditation aide à vaincre l'illusion que le Soi est quelque chose à voir. En fait, il n'y a rien à voir. Comment vous reconnaissez-vous maintenant ? Vous faut-il tenir un miroir devant vous pour vous reconnaître ? La conscience est elle-même le " Je ". Réalisez-le et c'est cela la vérité.

Question : Quand je m'interroge et recherche l'origine des pensées, il y a la perception du " Je ", mais ça ne me satisfait pas.

Ramana : Effectivement. Parce que cette perception du " Je " est associée à une forme, peut-être au corps physique. On ne devrait rien associer au pur Soi. Le Soi est la pure réalité dans la lumière de laquelle brillent le corps, l'ego et tout le reste. Quand toutes les pensées se sont tues, seule demeure la pure Conscience .

Question : Comment l'ego a-t-il vu le jour ?

Ramana : Il n'y a pas d'ego. S'il y en avait un, il vous faudrait reconnaître deux moi en vous. Par conséquent, il n'y a pas d'ignorance. Si vous vous interrogez quant au Soi, l'ignorance, qui est déjà inexistante, s'avèrera ne pas exister et vous direz qu'elle a fui.

L'absence de pensée ne signifie pas un vide. Il doit y avoir quelqu'un qui est conscient de ce vide. Connaissance et ignorance participent seulement du mental et de la dualité, mais le Soi les transcende tous les deux. Il est pure Lumière. Le Soi n'a nul besoin d'en voir un autre. Il n'y a pas deux Soi. Ce qui n'est pas le Soi est simplement non-soi et ne peut voir le Soi. Le Soi n'a ni vue ni ouïe ; il se situe au-delà, tout seul, en tant que pure Conscience.

Question : Je ne sais pas si le Soi est différent de l'ego.

Ramana : Dans quel état étiez-vous en plein sommeil ?

Question : Je ne sais pas.

Ramana : Qui ne sait pas ? Le moi à l'état de veille ? Mais vous ne niez pas que vous existiez en plein sommeil ?

Question : J'étais et je suis, mais je ne sais pas qui était en plein sommeil.

Ramana : Exactement. A l'état de veille, l'homme dit qu'il ne savait rien en état de sommeil profond. Maintenant, il voit des objets et sait qu'il existe, mais, en sommeil profond, il n'y avait ni objets ni spectateur. Et pourtant, la même personne qui parle à présent existait aussi en plein sommeil. Quelle différence y a-t-il entre les deux états ? A présent, il y a des objets ainsi que le jeu des sens, qu'on ne trouvait pas dans le sommeil profond. Une nouvelle entité, l'ego, est apparue. Elle agit par l'intermédiaire des sens, voit des objets, se confond avec le corps et prétend être le Soi. En réalité, ce qui était en plein sommeil continue également à être maintenant. Le Soi est constant, immuable. C'est l'ego qui est venu entre-temps. Ce qui se lève et se couche est l'ego. Ce qui reste invariable est le Soi.

La veille, le rêve et le sommeil ne sont que des phases du mental, pas du Soi. Le Soi est le témoin de ces trois états. Votre véritable nature existe dans le sommeil.

Question : Mais il est conseillé de ne pas s'endormir pendant la méditation.

Ramana : Il faut se garder de ces accès de stupeur. Ce sommeil qui alterne avec la veille n'est pas le vrai sommeil. Cette veille qui alterne avec le sommeil n'est pas la véritable veille. Etes-vous éveillé maintenant ? Non. Il faut vous éveiller à votre état véritable. Vous ne devriez, ni sombrer dans un faux sommeil, ni rester faussement éveillé.

Bien que présent même dans le sommeil, le Soi n'est pas perçu à ce moment-là. On ne peut le connaître dans le sommeil tout de suite. Il doit d'abord être réalisé à l'état de veille, car c'est notre vraie nature sous-jacente à l'ensemble des trois états. Il faut faire un effort à l'état de veille et réaliser le Soi ici et maintenant. On comprendra alors qu'il est bien le Soi continu ininterrompu par les diverses phases de la veille, du rêve, et du sommeil profond.



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